Les 50 albums de 2018

 

2018 aura été une année étonnante pour moi. A la fois parce qu’elle marque mon record d’écoutes de nouveautés (516 disques, si j’en crois ma liste Sens Critique) et, en même temps, ma rupture de plus en plus prononcée avec certains styles musicaux, notamment le rock. Comme en 2017, j’ai probablement plus écouté de musique classique que tout autre style (un claveciniste est même dans mon top 5 artistes Spotify !) et France Musique est devenu ma radio principale.

Cela se ressent dans mon top 20 qui se recentre de plus en plus autour de la musique contemporaine et de l’électro. Mais comme il faut aussi rester jeune, le hip-hop, notamment français, reste un de mes styles de prédilections.

Bref, comme les 8 années précédentes, le but du top n’est pas tant de classer de la musique que de partager mes coups de cœur et de faire découvrir quelques disques passés parfois un peu inaperçu. Pour d’autres découvertes, je vous invite à aller voir le top d’I Left Without My Hat et l’habituel rétrospective de l’année de Blinking Lights, de l’ex-voisin du premier.

Pour ma part, vous trouverez ici une playlist Spotify reprenant le top dans l’ordre (sans le premier, trop long, et allant plus loin que la cinquantième place) et un top 50 chansons, en écoute dans le lecteur à droite.


20 – Preoccupations – New Materials [Flemish Eye]

Pour ceux qui n’ont pas suivi, Preoccupations, c’est Viet Cong qui a changé de nom en 2016. Leur premier album avait été un des chefs d’œuvre de 2015. Le suivant (et le premier sous leur nouveau nom, vous suivez ?) était sympathique mais moins marquant. Ce disque se place un peu entre les deux. Moins exceptionnel que le premier, mais plus profond que le second. Le disque est moins sombre que les précédents, les compositions plus variées. Tout n’est pas réussi, mais la prise de risque, dans le marasme du rock actuel, est à saluer.


19 – IDLES – Joy as an act of resistance [Partisan Records]

L’album précédent avait fait l’unanimité dans mon entourage et j’étais pourtant passer à côté. Autant dire que ce disque ne partait pas gagnant, tant la voix du chanteur m’avait agacé dans le premier opus. Ce deuxième album m’a nettement plus parlé, mais me laisse quand même un gout d’insatisfaction dans les oreilles. Il faut dire qu’il s’agit probablement du meilleur disque de rock de l’année. Et que si c’est en effet pas mal, ça n’est quand même pas brillant…


18 – Jean Grae / Quelle Chris – Everything’s Fine [Mello Music Group]

Jean Grae et Quelle Chris sont deux rappeurs qui collaborent depuis de nombreuses années et qui se sont, par la même occasion, mariés récemment. Autant dire, un duo qui fonctionne. Ce disque est à la fois un petit bijou de hip-hop, aussi bien musicalement, politiquement que textuellement. Mais ce qui rend ce disque encore plus étonnant, c’est qu’il est avant un disque satirique, drôle et délirant, ce qui n’est pas si courant dans le rap game. Je vous encourage à jeter un œil au clip ci-dessous pour vous faire une idée.


  

17 – Ebony Bones – Nephilim [1984 Recordings]

Nephilim est un album qui fait se rencontrer plusieurs univers, plusieurs mondes. Cette rencontre est un peu la thématique de ce top puisqu’elle se retrouve sur plusieurs albums du classement. Ici c’est l’univers d’Ebony Bones qui fait se percuter l’électro, l’afro-beat, le post-punk et le classique. Renforcé par la participation de l’orchestre philharmonique de Pékin, le disque commence doucement pour finalement, après une reprise étonnante des Clash, partir complètement en vrille, dans des délires qui rappelle The Knife.


16 – Wrekmeister Harmonies – The Alone Rush [Thrill Jockey]

J’ai découvert ce groupe avec l’album précédent, offert en vinyle par mon excellent ex-voisin. Il avait pris un risque avec un groupe qui s’éloigne de mon univers musical en flirtant avec le heavy metal, malgré des côté drone ou post-rock plus dans mes habitudes. Il avait eu raison et j’avais non seulement apprécié l’opus mais ouvert mes oreilles à d’autres disques et groupes du registre. Cet album est dans la continuité du précédent, peut-être un peu plus sombre, plus cérébral. Il parait que c’est dément en live. J’espère avoir l’occasion de le vérifier.


15 – Rezinsky – Mal Poli [Label Météorites]

Du rap angevin, de la punchline qui tue et de l’egotrip à gogo. Rezinsky, c’est du nouveau rap à l’ancienne. Efficace, drôle, déplacé, vulgaire. Bref, parfaitement parfait.


14 – Anna Von Hausswolff – Dead Magic [City Slang]

C’est compliqué de présenter ce disque, même en termes de style. Drone ? Post-rock ? Expérimental ? Un peu tout ça ? L’album est angoissant comme une bande originale de film d’horreur réussie et la puissance de l’orgue comme de la voix de la suédoise créent un sentiment de tension permanente assez fascinant. Mention spéciale au morceau Ugly and Vengeful, au milieu du disque et à sa montée de 16 minutes et 17 secondes totalement inoubliable.

 


13 – Nils Frahm – All Melody [Erased Tapes Records]

Nils Frahm est considéré comme le fer de lance du néo-classique (avec Olafur Arnalds, Max Richter et compagnie). Tout le monde attendait donc un disque dans la veine, puisque le mouvement semble actuellement à son apogée. Mais Nils Frahm aime autant jouer à l’épicerie moderne qu’à l’auditorium et se plait à surprendre ses auditeurs. Voici donc un disque bien plus mixte, plus dense aussi que les précédents. Un disque que j’ai d’abord sous-estimé, avant de le redécouvrir et de le remonter régulièrement dans mon top. Il faut accepter d’être surpris par les sons, les influences électroniques (l’album a été écrit à Berlin et ça se sent) et les variations pour aimer ce disque.


12 – Tierra Whack – Whack World [Tierra Whack]

15 titres, 15 clips, 15 minutes. La révolution du rap s’appelle Tierra Whack. Elle a 22 ans et vient de donner un coup de vieux terrible aux Carter et à Kanye West. Je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans la vidéo ci-dessous.


 


11 – Gurrumul – Djarimirri [Skinnyfish Music]

J’ai découvert Geoffrey Gurrumul Yunupingu avec ce disque, grâce à un excellent groupe Facebook. J’ai donc découvert en même temps qu’il s’agissait d’un album posthume puisqu’il est décédé en juillet 2017. Musicien multi-instrumentiste et figure de proue des artistes aborigènes d’Australie à la discographie riche, Gurrumul fait se rencontrer dans ce disque les chants et compositions traditionnelles avec les instruments d’un orchestre classique. Le résultat est un disque étonnant, puissant et unique.


10 – RIOPY – RIOPY [Warner Classics]

Découvert par hasard, chez un disquaire qui le diffusait, je suis tombé sous le charme du piano mélancolique. Jean-Philippe Rio-Py est un pianiste et compositeur, notamment de musique de film (Jimmy’s Hall, The Danish Girl), relativement méconnu en France (Il n’a même pas droit à une page Wikipédia francophone). Ce disque compile une série de pièces de piano, souvent minimalistes et épurées mais chargées en émotions.


9 – Lomepal – Jeannine [Grand Musique Management]

Découvert sur le tard et responsable du retard de la sortie de ce top album, ce disque aura été mon dernier coup de cœur de l’année. D’autant plus que j’ai failli passer à côté, étant donné que je n’ai pas adhéré particulièrement à l’album précédent et que je l’ai plus écouté par acquis de conscience. Résultat, je l’ai écouté en boucle sur ce début de mois de janvier. Disque construit autour d’un fil rouge étonnant (la schizophrénie de sa grand-mère), Jeannine est un beau disque de rap, sombre et personnel, mais avec quelques chansons lumineuses et des featurings réussis (notamment le morceau avec Philippe Katerine qui clôt l’album).


8 – Bagarre – Club 1 2 3 4 5 [Entreprise]

J’avais déjà complètement kiffé le premier EP sorti il y a quelques temps. Et j’avais fait de Béton Armé ma chanson de l’année 2017. Autant dire que j’attendais ce disque avec impatience. Le résultat est à la hauteur de l’attente avec un disque fort, radical, courageux… Et surtout, une prestation scénique de très haute volée dans une salle (Ninkasi Kao) pourtant assez régulièrement décevante. Un de mes concerts de l’année, sans aucun doute. Et un disque qui donne envie de bouger.


7 – Mélissa Laveaux – Radyo Siwèl [No Format!]

Premier coup de cœur de l’année pour moi, ce disque ne m’a pas quitté depuis. Mélissa Laveaux est une artiste haïtienne qui vit au Canada. Sa musique est une rencontre entre le blues, la folk et la culture haïtienne et sa langue créole. L’album est la compilation de comptines et chants du début du siècle racontant l’occupation américaine entre 1915 et 1934. Enregistré en quelques jours, on sent toute la tension, l’urgence et l’émotion de ce travail dans ce disque. Et comme d’habitude, le label No Format! réalise un écrin superbe pour ce disque qui l’est tout autant.


6 – Columbine – Adieu Bientôt [Initial Artist Services]

Je suis bien conscient que tous les gens à qui j’ai fait écouter ce disque m’ont regardé bizarrement et ont levé les yeux au ciel en se demandant ce qui m’arrivait. Pourtant, malgré tous ses défauts d’album de rap adolescent, ce disque contient des bijoux poétiques et des tubes absolus. La musique est parfaitement élaborée, les instrus sont accrocheuses, le vocoder utilisé avec parcimonie. Les textes font penser à l’écriture automatique des surréalistes, avec une certaine recherche de la punchline quand même. Le résultat est certes inégal, mais l’album contient quand même ma chanson de l’année. Et me permet de me croire encore un peu adolescent.


5 – Rendez-Vous – Superior State [CRYBABY]

Le rock français n’est pas mort. Pas encore. En tout cas, il y a toujours des petits groupes qui jouent forts dans les bars de Lyon et d’ailleurs et qui me donne envie d’espérer. Mais c’est rare quand cet espoir se retrouve sur un disque. Pourtant, au départ, on pense n’avoir affaire qu’à un nouveau disque de revival post-punk, joué par des français mais chanté en anglais. Mais il y a une efficacité dans ce disque, une rythmicité, une brutalité de métronome qui transcende le genre et permet de l’affirmer officiellement. Ce n’est pas en 2018 que le rock français est mort.


4 – Farai – Rebirth [Big Dada]

Vous connaissez l’Afro-post-punk ? Non ? Et bien vous devriez. Farai est une artiste d’origine zimbabwéenne qui chante la misère de l’angleterre d’aujourd’hui. Signée sur le label de Young Fathers et de Kate Tempest (à laquelle on pense dès la première note du disque) et produite par TØNE, Farai réalise un album brut, sans fioriture mais qui accroche immédiatement l’oreille et qui invite à l’écoute de ce qu’elle a à dire. J’espère voir ça sur scène.


3 – Bruce Brubaker – Codex [InFiné]

Le Codex Faenza est considéré comme le plus ancien livret de musique pour clavier. Datant de 1420, le document transcrit une soixantaine de compositions vocales et les adaptant pour clavier. Le pianiste américain Bruce Brubaker a eu l’idée, étonnante, de faire se rencontrer ces pièces avec l’étude pour clavier n°2 de Terry Riley, série de fragments de notes, sans indication de rythme et notée sur une portée circulaire. Le mélange entre l’inventeur de la musique répétitive et la musique ancienne donne un résultat incroyable, envoutant, enivrant et profondément touchant.


2 – Jon Hopkins – Singularity [Domino)

Cinquième album en vingt ans de carrière pour l’anglais, mais premier disque depuis l’immense succès de 2013, Immunity. Et quel disque. Un démarrage rythmé, plutôt axé house qui bascule vers la moitié du disque vers un style plus ambiant et expérimental pour finir par un délire évanescent. Jon Hopkins est un des plus grands de la musique électronique, tout simplement.


1 – Autechre – NTS Sessions 1–4 [Warp}

Pendant le mois d’avril, Rob Brown et Sean Booth, les membres du duo le plus inventif de la musique électronique ont tenu une résidence sur la radio anglaise NTS électro. Sorti en coffret de 8 CD dans la foulée par Warp, l’œuvre dure la bagatelle de 479 minutes et 41 secondes. Je peux comprendre que 8 heures d’électro minimaliste et expérimentale, ça puisse faire un peu peur. Mais cette musique est totalement incroyable et vient marquer pour moi une nouvelle étape dans la carrière d’un groupe déjà impressionnant. Je n’ai pas encore réussi à écouter les 8 CD à la suite, mais je ne désespère pas pour 2019.

 


Le reste du classement, dans un ordre approximatif…


Bonus – Year of the Earth Dog – EP [Year of the Earth Dog]

Quoi ? Vous ne connaissez pas ce disque ? Ni ce groupe ? Vous devriez avoir honte. Cet EP marque l’apparition dans la riche scène post-punk française d’un futur grand. Les influences sont à chercher du côté de WU LYF, avec des petits délires électroniques qui ne gâchent rien. Evidemment, le fait que le chanteur soit le dessinateur de Pichenettes n’a rien à voir avec la présence de ce disque ici.

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