Carthago Delenda Est


Michel Mercier, ministre de la Justice, réélu dès le premier tour conseiller général du Rhône et, probablement, assuré de son maintien à la présidence du département. La liste des ministres cumulards est longue. Alain Juppé, maire de Bordeaux, Gérard Longuet, conseiller régional, Luc Chatel, maire de Chaumont, Frédéric Lefebvre, conseiller régional… A gauche, de même. François Hollande, président du conseil général de Corrèze et député, Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon et président du Grand Lyon, Arnaud Montebourg, pourtant longtemps le chantre de la lutte contre le cumul des mandats, président du conseil général de Saône et Loire et député…

On peut aussi s’amuser à faire la liste des élus ou responsables politiques déjà condamné pour corruption, prise illégale d’intérêt ou abus de biens sociaux : Alain Juppé, Patrick Balkany, Henri Emmanuelli, Harlem Désir, Jean Paul Huchon… Sans compter les affaires Woerth, Longuet (la magie de la prescription et de l’amnistie sélective), Chirac…

On me dira, quel lien existe-t-il entre cumul des mandats et corruption ? Aucun, si ce n’est cette étrange impression de complaisance des élus pour eux-mêmes. Si ce n’est que la politique n’est pas un métier, n’est pas un privilège, mais un honneur et une responsabilité. Quand une ministre des sports proclame que des joueurs coupables de n’être pas descendus d’un bus ne devraient plus faire partie de l’équipe de France de football, je me demande comment elle peut regarder dans les yeux ses collègues en conseil des ministres.

J’ai beaucoup parlé ici des moyens de lutter contre le FN en renversant la dialectique malsaine mise en place par l’extrême-droite. Cependant, il ne faut pas oublier que le fonds de commerce du poujadisme reste le « tous pourris » et que le seul moyen de lutter contre celui-ci, c’est avant tout l’irréprochabilité, pourtant promise par Nicolas Sarkozy lors de son élection. Quand en Allemagne il suffit d’avoir détourné des Miles Lufthansa pour se voir forcé à démissionner[1], en France, Michèle Alliot-Marie n’est poussé dehors que pour des raisons politiques.
Il est primordial aujourd’hui d’engager une grande réforme de la vie politique française. Une réforme sur de nombreux niveaux, afin de rétablir la dignité d’un système qui ne tourne plus qu’en circuit fermé. Une réforme qui permettrait aussi bien d’assainir la vie politique, que d’assurer son renouvellement et son équilibre.

1 - Interdire totalement le cumul des mandats, même non électif.

2 - Interdire le cumul des rémunérations. Un élu de la République (à l’exception des conseillers municipaux, généraux, régionaux et des maires de petites villes) ne doit toucher de l’argent d’aucun autre organisme, privé comme public.

3 - Rendre au suffrage universel une élection aussi importante que les communautés de communes, véritable nœud de décision à l’échelon local aujourd’hui.

4 - Limiter à deux le nombre de mandats possibles à un même poste (là encore, une exception peut être faite pour les conseillers municipaux et les maires de petites villes). Le renouvellement de la classe politique ne peut passer que par une mesure forte empêchant la construction de baronnies locales.

5 - Interdire à vie l’éligibilité d’un individu ayant été condamné pour un crime ou délit commis dans un l’exercice de fonctions politiques. Etre représentant du peuple n’est pas une action badine. Un ministre condamné pour corruption, abus de position ou détournement de fond (sans parler de la condamnation pour propos racisme d’un ancien ministre de l’intérieur) ne doit plus jamais avoir de rôle politique.

6 - Imposer une vraie parité, notamment aux élections uninominales, en augmentant et calibrant les amendes sur le nombre d’élues et non sur le nombre de candidates.

7 - Supprimer la cour de justice de la République, véritable institution d’Ancien Régime, l’immunité parlementaire et l’irresponsabilité juridique du chef de l’état. La justice doit être la même pour tous.

8 – La publication, chaque année, des revenus complets, incluant non seulement les salaires mais aussi les divers avantages (voiture de fonction, frais de déplacement, de représentation, de bouche…) de chaque élu.

Ces mesures ne me paraissent pas si compliquées à mettre en œuvre et devraient s’imposer aujourd’hui pour mettre un terme à la faillite de notre élite politique. Elles mettraient un terme à un certain nombre de pratiques et restaureraient la confiance des électeurs en leurs dirigeants. De plus, en cette période qui va imposer à tous de réelles restrictions financières, le caractère hautement symbolique d’une telle participation des forces politiques aux efforts du pays pour sortir de la crise serait même salutaire.



PS (ou NB) : Ce texte un petit exercice de réquisitoire politique (d'où le titre). Ce n'est pas le style que je préfère, mais le but de ce blog, c'est aussi de m'amuser à manier différents styles d'écritures.

Commentaires

  1. Le problème c'est que ce sont les députés qui votent ces décisions, et ils ne vont pas s'interdire de cumuler les mandats car ça ne va pas dans leur intérêts. D'ailleurs ils votent pour leur augmentation de salaire...
    Il faudrait surtout que ce genre de questions ne soient pas décidé par les premières personnes concernées, et plutôt par des personnes extérieur...

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  2. Ce que tu dis sur les démissions de ministres allemands m'amène à soulever une différence fondamentale entre l'Allemagne et la France : le type de régime.

    Nous avons la Ve république, régime de circonstances du à l'incapacité de la IVe à faire face à la guerre d'Algérie. Un quasi accident de l'histoire qui dure pourtant depuis 43 ans. Elle concentre la vie politique autour d'un événement qui est l'élection présidentielle. Ensuite pendant cinq ans, le débat politique est absent, le parlement ne servant que de relais de décisions prises ailleurs. Dès lors, le seul moyen d'imposer quelque chose est la grève. Faut-il chercher ailleurs la tradition de manifestations française ?

    L’Allemagne quand à elle a un régime parlementaire qui favorise la responsabilité de chaque élu. Il est intéressant de voir que des démissions de ministres pour avoir profité d'avantages indus ont eu lieu également au Royaume-Uni et en Suède.

    Tes propositions sont un bon début. Mais elles doivent s'inscrire dans un programme plus large. Je suis convaincu que le type de régime détermine la pratique du pouvoir. Reste à définir les principes de base que nous voulons appliquer. J'y reviendrais dès que j'aurais mis un peu d'ordre dans mes pensées.

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