Voter contre l'extrême-droite pour sauver la gauche

 


Pour la troisième fois depuis que je vote, le second tour opposera un candidat de droite à un.e candidat.e d’extrême-droite. En 2002, Chirac l’avait emporté à 82%. En 2017, Macron l’avait emporté avec 65% des voix. Cette année, les sondages le donnent vainqueur à 52 %, soit en dessous de la marge d’erreur. Et j’ai très très peur.

J’ai peur parce que, pour la première fois, l’extrême-droite a un vrai réservoir de voix pour le second tour.

J’ai peur parce que depuis 5 ans, tous les mouvements sociaux d’ampleur ont été portés par l’extrême-droite (gilets jaunes, montée du complotisme, lutte contre le pass sanitaire…).

J’ai peur parce qu’à chaque fois de plus en plus de gens « de gauche » déclarent ne pas vouloir voter contre l’extrême-droite, pour tout un tas de raison qui vont de « ça ne sert à rien » à « de toute façon c’est la même chose ».

J’ai peur parce que cela veut dire qu'ils ne se rendent même plus compte d’à quel point ils sont déconnectés de la réalité des classes populaires.


La gauche doit prendre conscience qu’aujourd’hui elle n’existe plus que dans les centres villes, les professions intellectuelles et la fonction publique et que nous faisons partie des privilégiés. La gauche n’est plus qu’un courant de privilégiés.

Et il faut vraiment être un privilégié pour dire que Macron et Le Pen, c’est la même chose. Il faut vraiment être un privilégié qui ne craint rien dans son quotidien pour se sentir au-dessus du risque de mettre l’extrême-droite au pouvoir. Il faut vraiment être un privilégié pour faire passer son petit ego personnel au-dessus du quotidien de millions de bénéficiaires du RSA, de personnes en situation d’OQTF, de demandeurs d’asile, d’habitants des quartiers populaires qui verraient leur quotidien détruit par l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen. Il faut vraiment ne pas avoir regardé le programme du Rassemblement National pour ne pas voir qu’il est mortifère pour ces publics.

Il faut vraiment ne pas connaître la police française pour ne pas imaginer le résultat d’une victoire de Marine Le Pen dans les quartiers chauds.

 

Je donnerai un exemple tout simple, parce que c’est mon quotidien professionnel. Depuis 4 ans, l’État finance à hauteur de 3 millions d’euros par an la formation en français langue étrangère juste dans le département du Rhône. Cela représente près d’une dizaine de milliers de personnes formées depuis 2018. Pourquoi est-ce l’État qui finance cela alors que la formation est une compétence régionale ? Parce que Laurent Wauquiez a supprimé tous ces financements et que l’État est venu prendre le relais. Pouvez-vous imaginer une seconde que ces financements continueraient avec le RN ? Je prends l’exemple de la formation parce que je le connais bien mais vous pouvez multiplier ces chiffres par 10 quand on parle des dépenses liées à l’hébergement d’urgence dont la majorité des bénéficiaires sont des personnes en situation irrégulière qu’une victoire de Marine Le Pen remettrait immédiatement dans la rue. Avec la suppression des Agences Régionales de Santé en prime.


Je ne suis évidemment pas satisfait d’aller voter Macron. Non seulement je ne suis pas d’accord politiquement avec lui mais je lui en veux particulièrement de la hausse sans précédent de la répression policière des mouvements sociaux et de la violence généralisée de la société. Je lui en veux d’avoir fait en sorte d’avoir Marine Le Pen comme seule opposante pour nous coincer dans ce vote contre. Je lui en veux d’avoir continué cette politique de destruction du système de santé, de ne pas avoir agi pour lutter contre le mal-logement et le prix des loyers, je lui en veux de sa sortie sur les bénéficiaires du RSA qui est une insulte aux classes populaires. Mais je ne me trompe pas d’ennemi. Il est moins dangereux que le Rassemblement National.

 


Parce que surtout, j’en veux à la gauche de continuer, année après année, à présenter les mêmes personnes, les mêmes idées sans voir que désormais les milieux populaires votent à droite. Pas seulement à l’extrême-droite, mais sur l’ensemble de l’échiquier de la droite. Les classes populaires votent plus pour Le Pen, Macron, Pécresse et Zemmour que pour la gauche. C’est un fait que le regroupement des voix de gauche autour de Mélenchon au premier tour ne doit pas cacher. Un fait qui s’aggrave élection après élection parce qu’en plus, on prend les gens pour des cons en leur resservant à chaque fois le même discours comme s’ils n’avaient rien compris.

 

Chers amis et chères amies de gauche, je vous en supplie, allez voter contre l’extrême-droite. Et surtout, ne baissez pas les bras le lendemain de l'élection. Refusons que les mêmes partis avec les mêmes idées rances et les mêmes visages viennent phagocyter le débat à gauche et nous enfermer encore et toujours dans une caricature de la politique des années 70. Battons-nous pour remettre le social, le travail, le logement, la santé, l’éducation au centre du débat politique.

Battons-nous ensuite pour avoir une gauche qui ne ferme pas les yeux sur les crimes de Poutine. Une gauche qui arrête de jouer à la révolution avec des gens qui rêvent de coup d’état militaire. Une gauche qui sait que la révolution énergétique passe par la rénovation et la construction des logements sociaux plus que par le vélo électrique. Une gauche qui n’a pas peur de la science. Une gauche qui ouvre les yeux sur la catastrophe de l’illettrisme en sortie du système scolaire. Une gauche qui a le courage de voir qu’il y a un vrai problème de sécurité dans les quartiers populaires et que le combat se situe sur le champ du trafic de drogue, pas de l’immigration.

Tout ceci est encore possible en fait. Mais pas dans un monde où Marine Le Pen est au pouvoir.

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