Le nucléaire expliqué à mon chat

Jour après jour, semaine après semaine, une information chasse la précédente, la reléguant au rang de brève ou d’entrefilet. Finie la Côte d’Ivoire. Finie la Tunisie. Finie L’Egypte. Finie la Lybie. Fini même le tremblement de terre. Place à l’alerte nucléaire.
Aujourd’hui, au travail, mes collègues se demandaient si le nuage radioactif arriverait jusqu’à eux( !), certains avançant même des chiffres, des données et des informations vaguement entendus ce matin dans les embouteillages. Vous vous rendez compte, le taux de radioactivité est 300 fois supérieur à la normale  à Tokyo ! Quand j’ai osé faire remarquer que multiplier un chiffre proche du zéro (en l’occurrence 0,05 mSv) par 300, ça fait toujours un chiffre faible (en l’occurrence 15 mSv) par rapport à la limite de danger (en l’occurrence 100 mSv), je fus immédiatement catalogué comme pro-nucléaire. Et puis 15 mSv, c’est déjà beaucoup ! Là, j’ai essayé d’expliquer le principe de calcul du Sievert[1], que c’était un indice de dangerosité et pas un taux de radioactivité, mais c’était déjà fini, j’étais le pro-nucléaire de service.

La 10ème croisade
Etonnant comme tous les sujets touchant à l‘écologie transforme les foules en croyants. Elles perdent leur sens critique immédiatement pour rentrer en religion. Il n’y qu’une vérité, et c’est celle à laquelle je crois. Si tu émets un doute, tu es un mécréant. Un infidèle. C’est comme ça sur le réchauffement climatique. Sur les OGM. Sur le nucléaire. C’est aussi comme ça que naît le fascisme[2].
Je suis plutôt partisan d’une réduction de la pollution et d’un contrôle des effets de l’homme sur son environnement. Mais quand on m’explique qu’il faut que je me douche plutôt que de me baigner, pendant qu’on arrose le maïs tout l’été, j’ai le sentiment qu’on me donne une consigne morale plus qu’environnementale. De même, quand on m’explique que la fonte de la banquise va faire monter le niveau de la mer, je ne peux m’empêcher de me rappeler du bon vieux principe d’Archimède[3]. Un combat juste n’autorise pas des moyens falsifiés. C’est bien ça, non, la leçon des religions, du communisme et autres croyances ?
Sur le nucléaire comme sur les OGM, c’est encore plus compliqué. Je ne suis pas un grand fan du champignon atomique, mais je dois bien reconnaître que mes connaissances personnelles me laissent relativement inculte sur ce sujet. Je veux bien qu’on se débarrasse de nos centrales, mais on les remplace par quoi ? Il me semble que le silicium utilisé pour les panneaux solaires est particulièrement compliqué à recycler et peut se révéler toxique. L’eau se fait rare, les éoliennes sont coûteuses et peu productives, le charbon et le pétrole, ça ressemble à un retour en arrière et le gaz naturel, les anti-nucléaires sont aussi contre son extraction en Ardèche. L’ITER[4] me semblait une solution d’avenir (maîtriser la fusion atomique, ça a un côté futuriste non ?), mais il paraît que c’est mal aussi… Bref, je n’y connais rien et je ne peux que difficilement donner mon avis là-dessus.

Le retour de l’ordalie
Deux éléments, cependant, sont particulièrement inquiétants. Premièrement, ces sujets sont devenus tellement idéologiques qu’il n’est plus possible de s’informer correctement. Une recherche EPR dans Google, c’est des pages et des pages de sites pro ou anti EPR, parsemées d’articles Wikipédia…  Impossible de trouver dans la masse une information fiable ou, tout du moins, non partisane. Dès qu’une étude sort, il suffit de regarder de qui elle émane pour en connaître le résultat par avance. Le terme scientifique a été galvaudé sur l’autel de la croyance.
Deuxièmement, et c’est bien le plus grave, la manière dont le débat sur l’écologie s’oriente à chaque fois marque une déviance de la démocratie dramatique. Les appels aux référendums sur ce genre de sujet, dont personne ne maîtrise les tenants et les aboutissants sont des appels à la croisade. Je croyais, naïvement, que le rôle de la représentation démocratique, c’était d’éviter le populisme, de savoir prendre des décisions courageuses, parfois à l’encontre des idées reçues (comme lors de l’abolition de la peine de mort), après avoir écouté les experts et les professionnels. Je pensais, que sa mission était, au nom du peuple, de contrôler ou surveiller ces domaines où le commun des mortels est incompétent, afin d’éviter que les scientifiques, les militaires ou les économistes soient seuls maîtres. Et rendre des comptes au peuple par la suite sur ces missions.
Faire des appels au référendum sur le nucléaire ou  les OGM, comme sur l’avortement, la bioéthique ou l’euthanasie, c’est demander aux gens de se positionner idéologiquement sur l’inconnu, comme si on votait pour savoir si Dieu existe.

Gouverner à pile ou face.



L’écologie est, de naissance, une idée réactionnaire, basée sur les théories malthusiennes, sur la peur du progrès technique et sur la croyance très catholique du bon sens de la terre. Je croyais que les Verts avaient réussi à sortir l’écologie de ce carcan, en la liant à une vision sociale et un projet politique libertaire. J’ai peur de m’être trompé.

Commentaires

  1. L'écologie en tant que volonté politique n'est pas réactionnaire. Le fait de prendre simplement conscience des limites de notre système, c'est une base même de l'économie si on ne fait pas n'importe quoi.
    D'une, je suis pour qu'il y ait ce mouvement politique car il ne fait que combler un vide qui ne devrait pas exister. On apprenait en première éco que les ressources qu'on utilise ne sont pas infinies, à part le soleil - et encore! Si on exploite des énergies fossiles qui, de par leur exploitation, défoncent la planète, il faut s'interroger sur les bénéfices réels que cela apporte. De même pour le nucléaire et bien d'autres sujets. Et quand je parle de bénéfice, je ne compte pas en semaines, à la différence de ce qui se fait en ce moment.
    Par contre, les écolo m'emmerdent avec leur coté dogmatique et hystérique. C'est clair que ça donne bien dans le populisme, mais c'est de partout pareil. C'est la mode vert-de-gris dans tous les partis.

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  2. Et j’ajouterais, Denis, que la récupération politique d’une idéologie “à la mode”, l'écologie en l'occurrence, donne toujours lieu à de sympathiques contradictions qui montrent bien qu’il ne s’agit là que de publicité et démagogie, il faut en effet être sympa avec les Verts en ces temps orageux...
    Je prend l’exemple du projet d’autoroute A51 entre Grenoble et Gap que je connais bien. En gros en ce moment le gouvernement refuse ce projet car il est en contradiction avec le léchage de bottes vertes qu’il opère depuis quelques temps. La voiture c’est mal ça pue! L’autoroute c’est mal parce qu’on y met des voitures qui puent dessus!
    A côté de ça on fait des plans de relance pour l’automobile. La voiture pollue, mais quand elle devient propre... on en veut toujours pas parce qu’on est idéologiquement favorable aux transports en commun, mais on est tout de même l’allier objectif des fournisseurs de pétrole...
    Bref, voila un comportement pour le moins schizophrène qui montre qu’avoir des intérêts de tous les côtés pour essayer de plaire à tout le monde, ça marche pas! La somme des intérêts particuliers n’est pas égal à l'intérêt général.
    Si au lieu de ça on réfléchit (je pourrais arrêter ma phrase ici...) non pas à supprimer démagogiquement les sources de problèmes mais à les faire évoluer pour qu’elles réduisent leurs émissions de problèmes, c’est à dire aller de l’avant tout en prenant en compte le cailloux sur lequel on vit ET AUSSI les autres qui vivent sur ce cailloux, je pense qu’on peut arriver à une écologie saine, qui serait non pas un but en soi mais qui serait pleinement intégré au moyens que nous mettons en place pour réaliser nos désirs de mieux vivre.
    Vive le progrès sain! (et non le saint-progrès)

    PS: Denis, merci pour le copinage!

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  3. Perso, je ne suis pas contre une sortie progressive du nucléaire : problème de gestion des déchets, risque d'accidents. Denis mentionne les pénuries d'eau, or une centrale ça fonctionne aussi avec de l'eau, et c'est bien le manque de flotte qui a foutu la merde à Fukushima.
    Le problème, c'est comment faire. Si la production de gaz à effet de serre est une théorie qui se vérifie (je sais pas, je suis ni Duflot, ni Allègre), c'est vrai que le nucléaire reste pour le moment la seule possibilité d'obtenir de l'énergie de façon massive pour faire fonctionner les ordinateurs, l'électroménager, les voitures électriques si elles se développent avec la raréfaction du pétrole...
    Sortir du nucléaire demande une conception de société sur un temps très long, une organisation radicalement différente de la production d'énergie, une collaboration et des optimisations de l'industrie (bien d'accord pour la morale faite aux particuliers) et surtout, une forte recherche scientifique pour trouver une nouvelle source d'énergie.
    Les éoliennes et panneaux solaires ont un intérêt, mais ils sont intermittents et ont aussi leurs défauts et incertitudes(parcs en pleine mer : quels impacts sur l'environnement?).
    Il est enfin important de savoir ce qui coûte le moins cher pour fournir de l'énergie à toute une population. Car les économies de fric à cette échelle, ce n'est pas négligeable si on veut allouer des crédits à la recherche énergétique, mais aussi au domaine social.

    Et finalement, une question de dissertation : comment concilier croissance démographique mondiale exponentielle, besoin humain en énergie et préservation de l'environnement?

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  4. Je pense que l'écologie en tant que parti à part entière est le meilleur moyen d'en faire une machine à dogme et à connerie, de la vider de son sens. Les verts en France, du fait des guerres intestines ne sont plus crédibles à mes yeux. Leur message n'est plus très lisible.
    Quant au nucléaire...Les écologistes et autres populistes réagissent de manière passionnée et non réaliste. Mais que dire de la réaction de l'état? ce n'est pas en sortant du chapeau la présidente de AREVA comme caution scientifique que je me sens plus informée, voire rassurée.
    Comme toujours, je vais faire ma normande, rien n'est noir, rien n'est blanc. Oui le nucléaire n'est pas sans danger. Aucune industrie ne connaît le zéro défaut. La seule différence...les conséquence d'un "raté" peuvent être désastreuses.
    En revanche, aujourd'hui on ne peut pas se passer de la production nucléaire. La preuve étant qu'en Bretagne EDF n'arrive pas à fournir tous les foyers correctement en électricité en période de consommation de pointe l'hiver.
    La solution: trancher entre nos propres paradoxes.
    - accepter d'avoir des éoliennes dans son champ de vision plutôt qu'une centrale atomique.
    - accepter d'avoir une part irréductible d'électricité "nucléaire" plutôt que de belles centrales thermiques à l'allemande.
    - accepter de ne pas faire du lèche vitrine la nuit, devant des boutiques closes mais totalement illuminées!! mêmes boutiques dont les portes ont disparues et qui laissent tourner chauffage et clim à fond...

    Pour finir...ayant côtoyé de près des groupes dits "écolos" et "éthiques" qui ne l'étaient pas dans les faits...je préfère bannir le mot écologie, trop galvaudé, au profit du civisme et du bon sens.
    Estelle

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