Peut-on encore être Social-Démocrate aujourd’hui ?

En 1997, 13 états membre de l’Union Européenne sur 15 étaient gouvernés par la gauche. 15 ans après, l’Espagne fait figure d’exception. En France comme en Allemagne, les anciens communistes (et apparentés, ne chipotons pas) retrouvent de la vigueur, semblant marquer la fin de la social-démocratie européenne. Alors que, depuis bientôt un siècle, le Parti Communiste (et ses avatars trotskystes) représente la valeur étalon décrétant qui est vraiment de gauche, il est temps que la gauche antiautoritaire, cette troisième gauche, celle du PSU et de Mendès-France, se réveille.

Qu’aujourd’hui encore, des jeunes gens arrivent à justifier Cronstadt, Budapest 1956 ou Prague 1968, que la nostalgie de l’URSS maintienne la France dans un antiaméricanisme infantile (vous savez, ce pays raciste, rempli de ploucs qui ne savent même pas où est la France, qui ne pensent qu’à faire joujou avec leur flingue et qui a élu Barack Obama, montrant une voie dans le changement dans laquelle s’engouffrent aujourd’hui les pays arabes) tout en fermant les yeux sur les crimes de Poutine, Chavez et autres Loukachenko, est dramatique. Il est temps pour la gauche de faire le deuil de ses deux tentations du XXème siècle :
En premier lieu, l’action violente, qu’elle soit collective ou individuelle. Il n’y a pas de but suprême et la fin ne justifie pas les moyens[1]. Si la révolte populaire peut s’exprimer par la violence, notamment en défense contre la violence d’état, l’Histoire nous a appris que la violence juste n’existait pas et qu’elle ne servait jamais les intérêts du peuple.
En second lieu, le marxisme autoritaire, qui a lui aussi montré ses limites (et je suis gentil). La dictature du prolétariat n’est qu’une dictature se donnant des excuses. L’étatisme et le centralisme ne sont qu’une gigantesque bureaucratie, engrangeant une nouvelle classe dominante.

Il est possible d’être de gauche en prenant en compte la réalité du monde et le déficit abyssal de la France, en n’envisageant pas l’Etat comme la solution à tous les maux, en expliquant que monopole d’Etat ne garantit pas service public (Voyez le prix du train ou des transports urbains en France), en rejetant étatisme et centralisme au profit de l’Europe et des régions.
Etre de gauche, c’est avant tout chercher à modifier en profondeur la vie quotidienne comme l’ont réussi les grandes réformes symboliques de notre pays (les congés payés, les droits des femmes, la Sécu et la CMU, les droits des homosexuels et le PACS, les télés et les radios libres, l’abolition de la peine de mort, la réduction du temps de travail, et notamment les 35 heures qui ont ouvert la porte d’une société axée sur autre chose que le seul travail). Ceux qui parlent de révolution et de lutte de classes sans se référer explicitement à la vie quotidienne, sans comprendre ce qu’il y a de subversif dans l’amour et de positif dans le refus des contraintes, ceux-là ont dans la bouche un cadavre[2].
Les combats ne manquent pas. J’ai déjà abordé ici les thèmes de l’immigration, de la banlieue, de la laïcité mais il y en a tellement d’autres : les droits des femmes, l’accès à l’éducation, à l’information et à la culture (on reviendra prochainement ici sur Hadopi), la régulation du système bancaire et du capitalisme financier, le droit au logement, à la santé et au travail, la liberté de la presse,  l’assainissement de la vie politique (cumul des mandats, corruption)…
Défendre et élargir l’égalité et la liberté, voilà les missions de la gauche, en ne sacrifiant jamais l’une à l’autre.

Comment peut-on ne pas être Social-Démocrate aujourd’hui ?



[2] Raoul Vaneigem, Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations, Gallimard, NRF, Paris, 1967.

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